Nouvelles d’horreur

INSTINCTS DE CHASSE

La journée avait été mauvaise. Trois sangliers manqués, faute de précision dans le tir. L’un d’eux, blessé, avait réussi à s’enfuir, sans doute pour aller mourir on ne sait où. Qu’il crève l’enfoiré. Mathieu n’avait pas beaucoup aidé, d’ailleurs. Toujours à côté, tirant trop tôt ou trop tard, ou ne répondant pas aux appels de Jean-Claude. La forêt, grouillant de vie, refusait visiblement de célébrer la mort qu’appelaient les deux chasseurs.…

RÉPARATION

L’appel l’avait dérangé alors qu’il prenait la direction de l’église Saint Yves, qui dominait de son impressionnante façade de briques orange le collège Saint Nicolas. M. Miraud avait maugréé, sorti son téléphone de sa poche et reçu la demande d’intervention au 16 rue des Frênes, chez un certain M. Fox. Arrivé sur place après avoir affronté l’enfer du trafic automobile, M.…

RONGÉS

C’était idiot, mais après toutes ces semaines passées sur les routes, ce qui le dérangeait le plus était les valises à roulettes. Il fallait sans cesse garder un œil vers le sol pour éviter de se prendre les pieds dans ces bagages imbéciles qui traînaient toujours un mètre derrière la personne qui vous précédait. Passent encore les bousculades, les coups d’épaule, de coude ou de hanche ; à la longue, chacun trouvait ses marques, la juste distance qui isolait de l’autre sans ralentir le groupe.…

L’ENREGISTREMENT

(Bruit mat du micro que l’on pose sur une table. Bruits de feuilles que l’on tourne)

Voix de femme : Ça ne vous dérange pas que je nous enregistre ?

Voix d’homme : Heu… non. Mais pourquoi donc ?

— Cela me permet de noter les idées qui pourraient me venir pendant notre entretien.

— Si vous y tenez…

— Tout d’abord, merci beaucoup d’être venu jusqu’ici.…

À SA PLACE

Toc… Toc… Toc… 

Ce qui tira Alix de son sommeil fut un martèlement dont l’intensité ne faisait que s’accroitre. On aurait pu croire au début à un voisin plus fou qu’un autre, mais ces impacts n’étaient pas assez violents pour correspondre à un outil frappant la tête d’un clou contre une cloison. De plus, ils se suivaient un rythme métronomique.

Émergeant peu à peu de l’inconscience du sommeil, Alix comprit qu’ils n’étaient pas plus puissants, mais qu’ils se rapprochaient.…

J’AURAI TA PEAU

L’entrelacs des conversations était parfois percé par la stridence du percolateur déversant du café brûlant au fond des tasses blanches. Aux tables, était accoudée une population majoritairement ouvrière, chacun penché en avant sur son assiette pour débattre à la lumière orangée des suspensions de politique, de la famille et du travail pénible. Dehors, sur la terrasse, un couple se bécotait, imperturbable, malgré le passage des voitures sur le boulevard.…

LE PRIX À PAYER

« Le voleur n’a peut-être commis qu’une faute, 
le volé en a commis cent. »
Proverbe russe

Assis à la terrasse du café réchauffé par le soleil printanier, Hector Grandlieu souriait au souvenir de sa nuit entre les bras d’un mannequin qui aurait pu être sa fille. Raison pour laquelle, sans doute, il ne se voyait pas devenir père lui-même. Aux autres les nuits angoissées à se demander où son enfant peut bien être, à lui les plaisirs de la chair irresponsables.…

DONNANT-DONNANT

Paul n’avait jamais rencontré Marie, mais il allait pourtant la tuer. Garé au pied de son immeuble aux volets fermés, aux rideaux tirés, aux portes closes, il tentait de percer l’identité de cette bâtisse anonyme des faubourgs de la ville. Il n’avait vu entrer ni sortir personne depuis son arrivée, une heure plus tôt. À présent, les façades masquant le soleil couchant couvraient les reliefs de la rue d’un immense voile grisâtre, seulement déchiré épisodiquement par les phares tranchants des voitures de passage.…

UN RENDEZ-VOUS EN ENFER

Lorsqu’elle gara sa voiture dans l’allée, Emma pensait encore au coup de fil qu’elle avait reçu quelques jours plus tôt. Elle se prélassait dans son canapé après une dure journée de travail à la caisse du supermarché quand elle avait senti vibrer son smartphone sous elle. C’était Henrietta, sa tante qu’elle n’avait plus guère vue depuis des années, ne l’ayant croisé qu’à l’occasion d’un enterrement.…

APPELS DE DÉTRESSE

Pierre s’était tout de suite dit que ce week-end en amoureux au milieu de nulle part était une mauvaise idée, mais il n’avait pas osé s’en ouvrir à Nathalie tant elle lui avait fait comprendre que ces moments loin de tout seraient indispensables pour sauver leur couple. Et Nathalie était suffisamment jolie pour que Pierre mette son esprit critique en veilleuse et accepte de la suivre les yeux fermés.…