Archive des étiquettes : sombre

LA PORTE

« Quelle idée saugrenue que d’aller s’enterrer au fin fond de la province ! » Alice n’avait pas même pris la peine de chercher une réponse qui aurait cloué le bec à sa mère, une femme sèche dont la bouche mauvaise lui faisait deux plis profonds au bas du visage. À vingt ans, la jeune femme avait hâte de pouvoir s’éloigner de cette personne froide et sans amour qui avait fait de son enfance un long tunnel sombre et déprimant.…

EN PLEIN CAUCHEMAR

Sous le ciel étoilé, Jeanne fumait une cigarette près du feu de camp, adossée à un grand arbre. Pierre sortit de sa tente, chargé d’un lourd pack de bières et apostropha Vincent : « Tu pourrais m’aider avec l’autre ? La soirée va être longue ! » Son ami embrassa Stéphanie et alla chercher d’autres boissons. Magalie pressa le bras de Jeanne : « Ça va, ma chérie ?…

AUCUNE CAGE ASSEZ SOLIDE

La mort est terrifiante, mais y a-t-il pire que de se réveiller dans un cercueil ? L’obscurité qui vous entoure n’est qu’un avant-goût de l’éternité infinie qui vous attend, après une lente et douloureuse agonie.

C’est la première pensée qui vint à Thierry lorsqu’il ouvrit les yeux pour découvrir le noir d’encre dans lequel il était plongé. Son cœur bondit dans sa poitrine, et il tenta de se débattre, se cognant les coudes, la tête et les genoux aux limites étriquées de sa sépulture.…

MAUVAISE INSPIRATION

Audrey quitta des yeux l’écran où flottait une phrase inachevée en étouffant un juron. Les percussions tribales attaquant les murs de la maison avaient eu raison de son élan créatif. « Pierre ! Tu peux baisser le volume de l’enceinte ? » N’obtenant pas de réponse, elle sortit en maugréant de son bureau et descendit dans le séjour. Allongé sur son tapis de sol, son mari effectuait des pompes, le visage rougi et les muscles gonflés par l’effort.…

L’AMOUR DE MA VIE

Les stèles se dressaient fièrement dans le cimetière, et elles étaient bien les seules à être droites. On ne trouvait là que des corps allongés pour l’éternité, et les rares personnes qui venaient leur rendre hommage avançaient voûtées sous le poids du chagrin, des années ou de la culpabilité.

Une fois de plus, Françoise marchait à petits pas dans l’allée, une plante tremblant entre ses mains ravinées par le temps.…

PLUTÔT CREVER

Charline pesta lorsque la lourde planche lui échappa des mains pour venir écraser son pied. Jonathan hurla dans son parc. Elle regarda son fils avec un regard plein de fureur. La douleur qui lui battait dans l’orteil semblait gagner en puissance à mesure que le bambin de deux ans faisait la démonstration de son étonnante capacité pulmonaire. Elle soupira, même si ce n’était pas de la faute de ce petit garçon si elle était à ce point en colère.…

SOIS BIEN SAGE

La soirée pyjama chez Jade : Noémie n’avait que ça à la tête depuis le début de la semaine, et sa mère se sentait soulagée à l’idée de la déposer cet après-midi chez sa copine. Pour autant, sa fille était silencieuse sur la banquette arrière, l’air grave. Malgré ses quelques tentatives, elle ne parvenait pas à lui arracher un sourire. Si la petite était excitée par la perspective de passer la nuit avec sa copine, elle était en même temps angoissée par la présence d’une mère qu’elle ne connaissait pas bien et d’un père qu’elle n’avait jamais vu.…

ERREUR SUR LA PERSONNE

La table se détachait au milieu de la petite salle à manger dans le halo doré d’une chandelle qui se consumait lentement, semblant étirer les minutes en se jouant des lois de la physique. Autour de la nappe blanche qui descendait presque pudiquement jusqu’au sol se trouvaient deux chaises simples habillées de coussins au motif de patchwork coloré. Face à elles était dressé un couvert composé de deux assiettes achetées en grande surface, quatre verres à pied que l’on devinait bon marché, de couteaux et fourchettes au manche de résine jaune.…

UN APPÉTIT FÉROCE

La pluie s’abattait avec obstination sur la ville, gommant l’horizon dans un lavis grisâtre. Angelo était ramassé derrière la fenêtre, les yeux au ras de l’appui, le regard rivé sur le trottoir détrempé. La rue n’était parcourue que par l’interminable ruissellement pluvial qui glissait sans bruit. Dehors, tout était mort. Et à l’intérieur, il savait être le seul occupant de l’immeuble encore vivant.…