Archive des étiquettes : sombre

L’ENREGISTREMENT

(Bruit mat du micro que l’on pose sur une table. Bruits de feuilles que l’on tourne)

Voix de femme : Ça ne vous dérange pas que je nous enregistre ?

Voix d’homme : Heu… non. Mais pourquoi donc ?

— Cela me permet de noter les idées qui pourraient me venir pendant notre entretien.

— Si vous y tenez…

— Tout d’abord, merci beaucoup d’être venu jusqu’ici.…

BON VENT !

Cent ou deux cents personnes se tenaient debout sur la place, leurs ombres démesurément allongées par le soleil engourdi du petit matin. Hommes et femmes de tous âges, vieillards et enfants de six ou sept ans. Le bas du visage de certains était couvert, de masques à gaz parfois, mais le plus souvent d’une simple bande de tissu sale. Ils avaient tous le poing levé qu’ils abaissaient les uns après les autres sous le regard mort d’un drone en vol stationnaire. …

À SA PLACE

Toc… Toc… Toc… 

Ce qui tira Alix de son sommeil fut un martèlement dont l’intensité ne faisait que s’accroitre. On aurait pu croire au début à un voisin plus fou qu’un autre, mais ces impacts n’étaient pas assez violents pour correspondre à un outil frappant la tête d’un clou contre une cloison. De plus, ils se suivaient un rythme métronomique.

Émergeant peu à peu de l’inconscience du sommeil, Alix comprit qu’ils n’étaient pas plus puissants, mais qu’ils se rapprochaient.…

J’AURAI TA PEAU

L’entrelacs des conversations était parfois percé par la stridence du percolateur déversant du café brûlant au fond des tasses blanches. Aux tables, était accoudée une population majoritairement ouvrière, chacun penché en avant sur son assiette pour débattre à la lumière orangée des suspensions de politique, de la famille et du travail pénible. Dehors, sur la terrasse, un couple se bécotait, imperturbable, malgré le passage des voitures sur le boulevard.…

DE QUOI DEMAIN SERA FAIT

La librairie « Au fil de l’âme » paraissait à première vue semblable à toutes celles que l’on pouvait trouver dans la ville. Sa paisible devanture de bois vert tendre semblait ignorer l’incessant écoulement tumultueux des voitures imbéciles. La vitrine laissait voir les livres et menues babioles exposés aux yeux de chalands, comme toutes celles des autres boutiques de la grande rue passante.…

LE PRIX À PAYER

« Le voleur n’a peut-être commis qu’une faute, 
le volé en a commis cent. »
Proverbe russe

Assis à la terrasse du café réchauffé par le soleil printanier, Hector Grandlieu souriait au souvenir de sa nuit entre les bras d’un mannequin qui aurait pu être sa fille. Raison pour laquelle, sans doute, il ne se voyait pas devenir père lui-même. Aux autres les nuits angoissées à se demander où son enfant peut bien être, à lui les plaisirs de la chair irresponsables.…

DONNANT-DONNANT

Paul n’avait jamais rencontré Marie, mais il allait pourtant la tuer. Garé au pied de son immeuble aux volets fermés, aux rideaux tirés, aux portes closes, il tentait de percer l’identité de cette bâtisse anonyme des faubourgs de la ville. Il n’avait vu entrer ni sortir personne depuis son arrivée, une heure plus tôt. À présent, les façades masquant le soleil couchant couvraient les reliefs de la rue d’un immense voile grisâtre, seulement déchiré épisodiquement par les phares tranchants des voitures de passage.…

RUN !

La sonnerie aigrelette du gros réveil mécanique ne le tira pas du sommeil. Le chant sinistre des sirènes d’alerte qui avaient déchiré le silence de la nuit le tenait éveillé depuis des heures. La pollution de l’air avait une fois de plus dépassé très largement le niveau d’alerte pourtant élevé, transformant l’atmosphère en un piège toxique pour quiconque serait sorti sans masque.…

MÉMOIRES D’OUTRE-MUR

« Instruis l’enfant selon la voie qu’il doit suivre, 
quand il sera vieux il ne s’en détournera point. »

Le livre des proverbes.

Doudou est mort. J’ai peur. Ce matin, il y a eu un gros bruit et du feu. Et doudou a disparu dans les flammes. Quand les choses disparaissent, elles sont mortes. Maman, elle m’a expliqué ça pour papa. Maintenant, Doudou est mort et je ne sais pas comment je vais dormir.…